Warren Buffett : Lettre aux actionnaires de Berkshire-Hathaway de 1979

berkshirehathaway+logo1Dans la lettre aux actionnaires de 1979, Warren Buffet rappelle qu’il est non seulement hasardeux, mais plus vraisemblablement encore impossible de prédire les fluctuations de la bourse à court terme.
Un argument qui a suffit à me convaincre, et que Warren Buffett lui-même, le plus grand investisseur de tous les temps, reconnaît modestement qu’il en est incapable. Si lui en est incapable, je veux bien croire que personne n’en est capable, enfin c’est mon opinion ! Ce qui rentre dans le cercle de compétence de Warren Buffett en revanche, c’est l’analyse de l’avenir à long terme, et sur ce point il ne manque pas de confiance.

Attention aux industries sans produits différenciés!
L’exemple de l’industrie textile est parlant : l’équipement nécessaire à la production apparaît souvent au bilan à une fraction de son coût de remplacement. Or, acheter une usine ou une machine par exemple au tiers de son coût de remplacement, ça devrait être une bonne affaire non ? Eh bien prudence, il y a souvent une bonne raison à cela et Warren Buffett en a fait les frais en personne avec l’une de ses plus grosses erreurs : l’acquisition de Berkshire-Hathaway, originellement une société de textile avant de devenir son vaisseau amiral d’investissement! Ces usines ou machines sont généralement gourmandes en investissement et produisent de faibles retours sur investissement.

Pour Buffett, l’industrie textile est un cas d’école d’industrie aux produits non différenciés et intensive en capital. En dehors de période de pénurie de production, l’offre dépasse souvent la demande et le produit étant indifférencié, son prix doit baisser. Par exemple, des producteurs de papier ou des compagnies aériennes sont soumises à ce problème : la concurrence y est féroce, et le produit n’étant que très faiblement différencié, le consommateur final achètera le moins cher. C’est le marché, et non l’entreprise, qui fixe ses prix. En ce sens, les prix reflètent plus la marge opérationnelle (on ne peut baisser les prix que jusqu’à un certain niveau pour rester dans le vert) que le capital utilisé. En bref, ce type de business est à éviter pour l’investisseur de long terme.

Timing et prix d’achat d’une action
Ce n’est pas un scoop, le marché est cyclique, et surtout, cyclothymique. Ainsi, si Warren Buffett ne manque généralement pas d’identifier d’excellentes compagnies, il n’investit pas du tout systématiquement dedans car les prix offerts par le marché n’offrent pas un potentiel de retour sur investissement intéressant. Comme le dirait Benjamin Graham, mieux vaut faire son marché en bourse en raisonnant comme pour aller faire des courses de tous les jours et non comme pour acheter du parfum… Buffett illustre la cyclicité du comportement des acteurs du marché en rappelant que les gérants de fonds de pension étaient investis en action à hauteur de 122% de leurs encours en 1971, quand les actions crevaient le plafond, contre 21% en 1974 alors que c’était la grande braderie.

Le système d’enchères permanent du marché permet selon l’Oracle d’Omaha de dénicher régulièrement des actions de société de qualité à des prix inférieurs à ceux qui seraient pratiqués dans des transactions de private equity (rachat privé de l’intégralité d’une entreprise ou d’une branche d’entreprise). Pour vous en convaincre, regardez donc les surenchères qui ont eu lieu sur le Club Med : pour certains investisseurs privés, les cotations ne reflétaient pas la vraie valeur de ces sociétés et ils sont prêts à monter les prix pour acquérir les sociétés entières. Néanmoins, ces investisseurs peuvent parfois se tromper et racheter dans leur enthousiasme des entreprises entières trop cher, là ou l’acquisition de morceaux choisis (entendez des actions) peut être largement plus profitable. Buffett et Berkshire-Hathaway ont une approche très pragmatique à ce sujet, et n’hésitent pas à pratiquer les deux. L’image des enchères est assez parlante : si vous vous rendez à une enchère ou vous êtes seul ou presque face à un commissaire priseur, vos chances d’acheter un Renoir ou un Picasso à bon prix sont meilleures que si la salle est bondée et que les contre-offres fusent !

Comment peut-on profiter d’une baisse sans être short ?
En ayant des fonds prêts à être investis bien sûr ! Warren Buffett n’hésite pas à garder de solides matelas de cash pour rester liquide lorsque le marché baisse. Une action achetée continue de baisser après l’achat ? C’est une aubaine pour en acheter plus et moins cher. Le tout est que la valeur intrinsèque de la société n’ait pas baissé entre temps.

Les cinq meilleures citations de Warren Buffett dans la lettre aux actionnaires de Berkshire-Hathaway de 1979

  1. « We make no attempt to predict how security markets will behave; successfully forecasting short term stock price movements is something we think neither we nor anyone else can. »
  2. « Slow capital turnover, coupled with low profit margins on sales, inevitably produces inadequate returns on capital. »
  3. « The textile industry illustrates in textbook style how producers of relatively undifferentiated goods in capital intensive businesses must earn inadequate returns except under conditions of tight supply or real shortage. As long as excess productive capacity exists, prices tend to reflect direct operating costs rather than capital employed. »
  4. « We continue to find for our insurance portfolios small portions of really outstanding businesses that are available, through the auction pricing mechanism of security markets, at prices dramatically cheaper than the valuations inferior businesses command on negotiated sales. This program of acquisition of small fractions of businesses (common stocks) at bargain prices, for which little enthusiasm exists, contrasts sharply with general corporate acquisition activity, for which much enthusiasm exists. It seems quite clear to us that either corporations are making very significant mistakes in purchasing entire businesses at prices prevailing in negotiated transactions and takeover bids, or that we eventually are going to make considerable sums of money buying small portions of such businesses at the greatly discounted valuations prevailing in the stock market. »
  5. « We are not concerned with whether the market quickly revalues upward securities that we believe are selling at bargain prices. In fact, we prefer just the opposite since, in most years, we expect to have funds available to be a net buyer of securities. And consistent attractive purchasing is likely to prove to be of more eventual benefit to us than any selling opportunities provided by a short-term run up in stock prices to levels at which we are unwilling to continue buying. »

Avez-vous lu la version originale de cette lettre ? Qu’en avez-vous retenu ?